Répartition injuste des charges de chauffage
Dans une copropriété, le règlement de copropriété fait office de loi. Il fixe les règles de vie commune, d’usage, mais surtout de répartition des charges. Pourtant, dans certaines résidences anciennes, les clés de répartition semblent sortir tout droit d’une autre époque — littéralement. Dans une copropriété des années 70, où l’énergie coûtait alors une misère, les charges de chauffage en copropriété peuvent aujourd’hui créer de véritables injustices… voire des tensions explosives 🔥.
Prenons l’exemple d’une copropriété de 45 lots, avec un chauffage collectif par colonnes verticales. À surface égale, les tantièmes varient considérablement. Les appartements du dernier étage ou en rez-de-chaussée paient beaucoup plus que ceux du 2e ou 3e étage, pourtant mieux isolés par les autres appartements autour. Pire encore, des logements avec plusieurs salles de bain paient moins d’eau chaude qu’un T2 en bout d’immeuble !
Est-ce légal ? Est-ce moral ? Peut-on agir pour corriger ce que certains qualifient d’abus de majorité ? Voici les réponses.
Comprendre l’origine du problème : un règlement obsolète mais obligatoire
🔎 Le règlement de copropriété est un document obligatoire dès la création de l’immeuble. Rédigé par le promoteur, il est souvent figé, jamais mis à jour, et surtout pensé pour une époque révolue. Dans notre cas, il date de 1975, une période où l’on ne se préoccupait ni d’isolation thermique, ni de performance énergétique.
À l’époque, peu importait que le chauffage fuie par les toits ou que l’eau chaude coule à flots : tout coûtait peu. Aujourd’hui, avec la flambée des prix de l’énergie, chaque tantième mal calculé devient une injustice ressentie. Or, selon l’article 11 de la loi de 1965, la répartition des charges ne peut être modifiée… qu’à l’unanimité des copropriétaires. Autant dire jamais.
Le critère d’utilité : un levier légal souvent ignoré
Heureusement, la loi offre des outils pour corriger ces injustices, même sans obtenir l’unanimité. C’est notamment le cas via le critère d’utilité, introduit par l’article 10 de la loi de 1965.
📘 Ce principe simple et juste veut que :
« Les copropriétaires participent aux charges en fonction de l’utilité que ces charges représentent pour leur lot. »
Exemples concrets :
- Un appartement au RDC n’utilise pas l’ascenseur ? Il ne doit pas y contribuer.
- Un studio sans salle de bain secondaire n’a pas à financer l’eau chaude de deux SDB de ses voisins.
- Un appartement entouré sur 4 faces ne devrait pas payer plus de chauffage qu’un pignon exposé aux vents ❄️.
Si la clé de répartition du chauffage n’applique pas ce principe, il peut être contesté. C’est là qu’intervient l’article 12, une autre disposition salvatrice : si un lot paie plus de 25 % au-delà de ce qui serait « juste », le juge peut ordonner une modification du règlement, sans vote en AG.
L’abus de majorité : un piège courant, mais sanctionnable
Un cas aussi flagrant d’injustice, où les grands appartements avantagés bloquent toute réforme, peut être assimilé à un abus de majorité, un concept juridique bien connu.
📚 L’abus de majorité est constitué lorsqu’une décision prise par la majorité :
- Est contraire à l’intérêt collectif de la copropriété ;
- Avantage une minorité ou un groupe au détriment d’un ou plusieurs autres copropriétaires.
Dans notre exemple, les bénéficiaires du système injuste, qui sont majoritaires en voix, refusent toute évolution, malgré les preuves manifestes d’inéquité. Un tribunal judiciaire pourrait y voir un abus de majorité — et annuler les décisions prises ou imposer une réforme du règlement.
Les lois ALUR et ELAN : des opportunités pour revoir les clés de répartition
🧾 La loi ALUR (2014) et surtout la loi ELAN (2018) ont apporté des assouplissements importants aux règles de vote en copropriété. L’objectif : faciliter l’adaptation des règlements à la réalité d’aujourd’hui.
Ce que la loi ELAN change :
- Elle oblige les syndics à inscrire chaque année à l’ordre du jour la question de la révision du règlement, notamment si celui-ci ne prend pas en compte les parties communes spéciales.
- Elle permet de modifier certaines parties du règlement à la majorité simple de l’article 24, au lieu de l’unanimité, dès lors qu’il s’agit d’une mise en conformité.
💡 Conseil pratique : même si la clé de chauffage reste soumise à l’unanimité, les copropriétaires peuvent appuyer leur demande de révision sur la jurisprudence du critère d’utilité ou sur une décision judiciaire (article 12).
Répartition des charges via décompteurs d’eau chaude et calorifiques
Lorsque des décompteurs individuels (compteurs d’eau chaude sanitaire et répartiteurs de chaleur) sont installés dans les logements, la loi permet une répartition plus juste et individualisée des charges de chauffage et d’eau chaude.
Depuis les décrets issus de la loi ELAN et de la directive européenne sur l’efficacité énergétique, il est désormais possible de répartir les frais de chauffage et d’eau chaude jusqu’à 70 % selon les consommations réelles.
🧾 Que dit la loi ?
- Minimum 50 % – maximum 70 % des charges de chauffage peuvent être réparties selon les consommations individuelles mesurées.
- Le solde (30 à 50 %) reste réparti forfaitairement (selon les tantièmes généraux, la surface, ou toute autre clé prévue dans le règlement de copropriété).
👉 Référence : Article R.131-10 du Code de la construction et de l’habitation, issu du décret n°2020-886 du 20 juillet 2020.
🗳 Quelle majorité pour décider ?
La clé de répartition (ex. : 70 % au réel / 30 % au forfaitaire) doit être votée en assemblée générale à la majorité de l’article 24.
⚠️ Et si le règlement de copropriété est obsolète ?
Si le règlement ne prévoit pas cette possibilité, il peut être modifié (toujours à l’article 24 si cette mise à jour découle d’équipements existants).
La loi ELAN facilite cette adaptation, notamment si la copropriété dispose déjà de compteurs ou répartiteurs individuels.
✅ Exemple de répartition :
- Un immeuble avec chauffage collectif équipé de répartiteurs et de décompteurs d’eau chaude.
- L’AG adopte une répartition :
- 70 % selon les consommations mesurées par les appareils.
- 30 % selon les tantièmes généraux.
Cette solution permet une répartition plus équitable des charges, incitant à la sobriété énergétique, tout en respectant le cadre légal.
Que peut faire un copropriétaire lésé ?
💬 Voici les étapes conseillées pour un copropriétaire confronté à ce type d’injustice :
- Analyser le règlement avec un professionnel (avocat spécialisé, association de copropriétaires ou expert).
- Demander une mise à l’ordre du jour d’une révision à la prochaine assemblée générale.
- Rassembler des éléments techniques (factures, plans, photos, consommations réelles) pour démontrer l’injustice.
- Si l’AG refuse par majorité simple ou l’unanimité : saisir le tribunal judiciaire en invoquant les articles 10 ou 12.
- Demander une expertise judiciaire sur la base du critère d’utilité.
FAQ – Charges de chauffage en copropriété
🔹 Pourquoi certains appartements paient-ils plus de chauffage à surface égale ?
Cela dépend de la clé de répartition prévue dans le règlement. Si elle est basée uniquement sur les tantièmes généraux, sans tenir compte de l’utilité ou de l’exposition, elle peut générer des inégalités.
🔹 Peut-on modifier cette répartition sans l’unanimité ?
Pas toujours. Si la clé touche à la répartition des charges (article 11), l’unanimité est requise. En revanche, si une inégalité manifeste est démontrée, le juge peut imposer une nouvelle clé via l’article 12.
🔹 Un abus de majorité est-il reconnu en copropriété ?
Oui. Lorsque la majorité impose une décision contraire à l’intérêt général pour préserver ses avantages, cela peut être qualifié d’abus de majorité, et annulé en justice.
🔹 Que dit la loi ELAN sur la révision du règlement ?
Elle impose d’examiner chaque année la mise en conformité du règlement pour les parties communes spéciales et facilite les modifications en abaissant les majorités de vote.
🔹 Est-ce que l’eau chaude doit être répartie comme le chauffage ?
Non. Si elle est produite séparément, elle devrait avoir une clé distincte. Sinon, les lots avec plusieurs points d’eau profitent indûment d’un forfait injuste.
Conclusion : Injustice ne rime pas avec fatalité
Une mauvaise répartition des charges de chauffage en copropriété peut peser lourdement sur certains copropriétaires, et ce pendant des années. Mais grâce aux outils juridiques existants (critère d’utilité, article 12, loi ELAN), il est possible d’agir.
🔧 Que ce soit par voie judiciaire, ou via une réforme collective, l’essentiel est de ne pas baisser les bras. Car si aujourd’hui les majoritaires bloquent, demain la justice peut trancher en faveur de l’équité. Et rendre à chacun ce qu’il doit payer… ni plus, ni moins.
Le syndic (Savoisienne Habitat) veut décompter la consommation de chauffage et d’eau chaude au prorata des tantièmes, sans considération aucune du nombre d’occupants de chaque appartement.
Cette décision a été prise unilatéralement par le syndic, sans avoir même consulté le Conseil syndical.
Le syndic ne peut pas décider seul de la répartition des charges, cela relève du règlement de copropriété et doit être voté en assemblée générale. Si la répartition actuelle est injuste (par exemple chauffage ou eau chaude payés au prorata des tantièmes sans tenir compte de l’usage réel), la loi permet de contester cette décision : le principe d’utilité (article 10) et l’article 12 peuvent servir à demander une révision, voire à saisir le juge pour obtenir une clé de répartition plus équitable.
Merci pour votre retour.
Nous avons vraiment besoin d’être rassurés.
R.V. chez le syndic vendredi 19.09.