Loi ALUR 2025 : bilan après 10 ans d’application
Promulguée le 24 mars 2014 sous l’impulsion de Cécile Duflot, la loi ALUR (Accès au Logement et Urbanisme Rénové) visait à réguler un marché sous tension, protéger les locataires, moderniser la copropriété et repenser l’urbanisme. Dix ans plus tard, son empreinte sur le secteur immobilier reste visible, mais son bilan demeure contrasté.
Origines et ambitions : une réponse à la crise du logement
La France des années 2010 souffrait d’un déséquilibre marqué : la demande excédait l’offre dans les grandes agglomérations, les loyers flamboyaient, les copropriétés se dégradaient et les pratiques de transaction restaient opaques. ALUR s’est imposée comme une réponse globale. Elle structura le marché locatif, encadra les loyers, imposa de nouvelles obligations aux syndicats de copropriété et fit basculer les compétences d’urbanisme des communes aux intercommunalités via les PLUI
Les mesures phares et leurs impacts
Encadrement des loyers dans les zones tendues
L’une des mesures les plus visibles est l’instauration d’un encadrement de l’évolution des loyers (décret annuel) et, dans certaines villes volontaires, d’un plafonnement du loyer initial lors de la relocation ou du renouvellement Ministère des Finances. Depuis 2024‑2025, les règles en vigueur concernent la période entre le 1ᵉʳ août 2024 et le 31 juillet 2025, avec des plafonds calculés à partir des loyers de référence ANIL. L’expérimentation du plafonnement initial, lancée par la loi ELAN en 2018 pour cinq ans, a été prolongée jusqu’en novembre 2026 et étendue à l’outre‑mer en juin 2025 jusqu’en 2030.
À Paris, selon une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme, l’encadrement a permis une économie moyenne de 772 € par an pour les locataires entre juillet 2019 et juin 2023, avec une progression de l’impact au fil du temps et un effet particulièrement marqué sur les petits logements (< 18 m², –10,2 %) Le Monde.fr.
Mais le dispositif suscite des critiques : certains bailleurs dénoncent un manque de rentabilité et une réduction du nombre de logements disponibles. Or, selon PriceHubble, la baisse du volume des biens en location est comparable entre villes avec ou sans encadrement des loyers Reddit. D’autres critiques soulignent les moyens limités des observatoires locaux pour faire respecter les plafonds, les contournements via les meublés ou locations touristiques, et l’absence d’incitation à la rénovation énergétique Immo Achats.
En novembre 2024, le Conseil d’État a annulé un arrêté préfectoral fixant des loyers de référence à Paris, remettant en cause certaines bases de l’encadrement et créant une profonde incertitude juridique.
Copropriétés : transparence et obligations accrues
La loi ALUR a imposé l’immatriculation des copropriétés (obligatoire au-delà d’un certain seuil), l’instauration d’un fonds de travaux dédié, et la réalisation d’un diagnostic technique global (DTG). Ces mesures ont renforcé la gouvernance, mais elles ont aussi alourdi les charges administratives notamment pour les petites copropriétés, souvent dépassées par les nouvelles obligations.
Urbanisme : vers une gestion intercommunale
La refonte des règles d’urbanisme a supprimé les POS (Plans d’Occupation des Sols), favorisant l’émergence des PLU intercommunaux (PLUI), mieux calibrés pour planifier densification urbaine et limiter l’étalement. Les Organismes Fonciers Solidaires (OFS) ont été créés pour promouvoir des logements accessibles, mais leur déploiement reste inégal selon les territoires.
La formation des professionnels de l’immobilier : un vide enfin comblé
La loi ALUR prévoyait en 2014 qu’un décret définisse les compétences professionnelles initiales des collaborateurs d’agents immobiliers. Ce décret n’a jamais été publié jusqu’à ce que, le 25 février 2025, le Conseil d’État impose sa publication dans un délai de six mois, mettant fin à une inertie réglementaire décennale.
Le décret devrait entrer en vigueur d’ici août 2025. Il imposera aux nouveaux collaborateurs une formation de référence : soit une expérience professionnelle de 18 mois soit 42 heures de formation (28 en présentiel, 14 en distanciel). Un dispositif de transition exemptera les professionnels déjà en poste Académie des Pros – Formations Loi Alur.
Un bilan contrasté
La loi ALUR a incontestablement renforcé la protection des locataires, amélioré la transparence des transactions et assaini la gestion des copropriétés. L’encadrement des loyers, même expérimental, a produit des économies substantielles pour les locataires et limité les hausses excessives.
Mais plusieurs limites persistent : le manque de moyens pour faire appliquer les mesures, des effets contestés sur l’offre de logements, des retards de mise en œuvre comme celui du décret sur la formation, et un marché toujours tendu malgré dix ans de régulation.
Le prolongement de l’expérimentation jusqu’en 2026 et son extension outre‑mer témoigne de l’importance d’un recul suffisant pour juger de sa pertinence. Mais l’absence d’un rapport d’évaluation chiffrée à mi‑parcours décrié par des acteurs comme Laurent Cantin (FNAIM) fragilise la légitimité du dispositif Journal de l’Agence.
Conclusion : une réforme inachevée… mais structurante
Dix ans après, ALUR n’est ni un échec complet ni un succès sans réserve. Elle a transformé plusieurs aspects du droit du logement en France, tout en mettant en lumière la complexité des mécanismes d’encadrement, les contraintes de leur application, et les difficultés à piloter une réforme sur la durée.
L’encadrement des loyers doit être évalué de façon rigoureuse et accompagné de mesures pour renforcer l’offre de logements abordables, améliorer l’efficacité des observatoires locaux et inciter à la rénovation énergétique. L’entrée en vigueur du décret sur la formation fin été 2025 pourrait marquer une nouvelle étape vers une profession immobilière plus rigoureuse.
➡️ À l’heure où la crise du logement reste d’actualité, le débat est ouvert : ajuster ALUR ou imaginer un nouveau cadre plus adapté ? Les options sont encore sur la table.