Dans le paysage complexe de la gestion immobilière, le renouvellement tacite injustifié du mandat de syndic est une pratique qui suscite de plus en plus de mécontentement au sein des copropriétés. Bien souvent ignorée ou méconnue des copropriétaires, cette manœuvre permet à certains syndics de prolonger leur mandat sans réelle légitimité, ni approbation formelle de l’assemblée générale. Une telle situation constitue pourtant une infraction aux règles strictes du droit de la copropriété, avec des conséquences juridiques non négligeables pour le syndic, mais aussi un impact direct sur les droits démocratiques des copropriétaires.
Une faute qui mine la transparence de la vie en copropriété
Le mandat du syndic de copropriété n’est jamais éternel : il est encadré par des délais, des procédures et des obligations légales. Or, il arrive que certains syndics, par négligence ou dans un souci de conserver leur poste, procèdent à un renouvellement automatique de leur mandat, sans respecter les conditions strictes fixées par la loi. Cela peut prendre la forme d’un silence volontaire lors d’une assemblée générale, d’un vote invalide ou même de l’absence pure et simple de mise en concurrence. Ce comportement, bien qu’apparemment administratif, constitue une véritable violation des droits fondamentaux des copropriétaires.
Un exemple concret : quand le syndic s’octroie un renouvellement par défaut
Prenons l’exemple d’une copropriété parisienne de 40 lots. Lors de l’assemblée générale annuelle, le mandat du syndic arrive à échéance. Aucun point concernant son renouvellement n’est inscrit à l’ordre du jour. Aucune mise en concurrence n’a été organisée, contrairement à ce que prévoit la loi. Quelques mois plus tard, les copropriétaires découvrent que le syndic continue à exercer comme si de rien n’était, en invoquant un « tacite renouvellement ». Cette situation, pourtant illégale, est fréquente. Elle entraîne une méfiance croissante des copropriétaires envers leurs représentants, et une perte de contrôle sur la gouvernance de l’immeuble.
Le cadre légal : ce que dit le droit français
Le Code de la copropriété encadre strictement les conditions de nomination et de renouvellement du syndic. Les références principales sont les suivantes :
- Article 18 de la loi du 10 juillet 1965, qui précise que le syndic est désigné pour une durée déterminée, par l’assemblée générale, à la majorité de l’article 25.
- Article 21 de la loi de 1965, qui impose une mise en concurrence obligatoire avant la désignation d’un nouveau mandat, sauf cas exceptionnels dûment motivés.
- Décret n° 67-223 du 17 mars 1967, qui encadre la procédure de convocation de l’assemblée générale et le contenu de l’ordre du jour.
Ainsi, le renouvellement du mandat d’un syndic ne peut se faire tacitement. Il doit obligatoirement faire l’objet d’un vote lors de l’assemblée générale, inscrit à l’ordre du jour, avec mise en concurrence, sauf si l’AG décide expressément d’y renoncer pour des raisons précises.
Quelles conséquences juridiques pour le syndic en faute ?
Le syndic qui prolonge son mandat sans vote valable ou sans respecter la procédure légale commet une faute de gestion. Cette faute peut avoir plusieurs conséquences :
- Nullité du mandat reconduit, ce qui rend toutes ses décisions prises postérieurement à l’échéance juridiquement contestables.
- Responsabilité civile du syndic, qui peut être poursuivi pour gestion fautive.
- En cas d’abus caractérisé, résiliation judiciaire de son mandat, voire des dommages et intérêts à verser à la copropriété.
Les actes signés (contrats, décisions, appels de fonds) peuvent être annulés, mettant la copropriété dans une situation juridique instable.
Quels sont les recours pour les copropriétaires ?
Lorsque les copropriétaires constatent un renouvellement tacite injustifié du mandat de syndic, plusieurs actions sont envisageables :
- Demander l’inscription à l’ordre du jour de l’AG suivante la révocation du syndic et la désignation d’un nouveau.
- Faire convoquer une assemblée générale extraordinaire à la demande d’au moins 25 % des voix.
- Saisir le tribunal judiciaire, avec l’aide d’un avocat spécialisé, pour faire constater la nullité du mandat et engager la responsabilité du syndic.
- Alerter la chambre professionnelle ou le conseil de l’ordre auquel le syndic est affilié, si celui-ci est un professionnel.
💡 L’essentiel est de réagir rapidement pour ne pas laisser s’installer une situation de fait qui pourrait être ensuite difficile à contester.
La procédure à suivre pas à pas
- 📂 Réunir les documents : dernier PV d’AG, contrat de syndic, convocation, preuve d’absence de vote.
- 🧾 Vérifier la date d’échéance du mandat et l’absence de résolution relative à son renouvellement.
- ✉️ Envoyer une mise en demeure au syndic pour lui demander de cesser ses fonctions illégalement prolongées.
- 🗳️ Demander la tenue d’une AG avec inscription à l’ordre du jour de la révocation du syndic.
- ⚖️ Saisir le juge si nécessaire, avec constitution d’un dossier complet prouvant la faute.
- ✅ Faire élire un nouveau syndic dans les règles.
Modèle de lettre de mise en demeure au syndic
Nom et adresse du copropriétaire
Nom de la copropriété
Adresse
À l’attention du syndic
Nom de l’agence ou du syndic
Adresse
[Ville], le [date]
Objet : Mise en demeure – renouvellement tacite injustifié de votre mandat
Madame, Monsieur,
Je me permets de vous écrire en ma qualité de copropriétaire du lot n° [X] de la copropriété située au [adresse], afin de vous notifier formellement une mise en demeure relative à la poursuite de vos fonctions de syndic au-delà de l’échéance de votre mandat, intervenue le [date].
En l’absence de résolution adoptée par l’assemblée générale autorisant votre renouvellement, et faute de mise en concurrence préalable, la reconduction de votre mandat est juridiquement nulle conformément aux articles 18 et 21 de la loi du 10 juillet 1965.
Je vous demande donc de cesser immédiatement tout acte de gestion pour le compte de la copropriété, et de convoquer sans délai une assemblée générale extraordinaire pour procéder à une nouvelle désignation dans le respect de la loi.
À défaut de réponse sous 15 jours, je me réserve le droit d’engager toute action utile devant le tribunal judiciaire.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.
[Signature]
En conclusion
Le renouvellement tacite injustifié du mandat de syndic n’est pas une simple erreur de forme : c’est une entorse grave aux principes de transparence, de démocratie et de bonne gestion en copropriété. Les copropriétaires disposent d’outils juridiques puissants pour contester cette dérive, encore faut-il qu’ils soient informés de leurs droits et agissent à temps. Plus que jamais, la vigilance collective est indispensable pour préserver l’équilibre et la légitimité des instances de gestion de nos immeubles 🏘️.
