Décisions d’AG non exécutées : que faire ?
En copropriété, l’assemblée générale constitue l’organe souverain de décision. Elle fixe la ligne directrice de la gestion de l’immeuble, décide des travaux à entreprendre, des contrats à signer ou à résilier, ou encore des actions en justice à mener. Pourtant, il arrive trop souvent que les décisions votées ne soient pas exécutées par le syndic, créant tensions, blocages, voire litiges. Cette non-exécution des décisions de l’assemblée générale n’est pas une simple négligence : elle constitue une faute grave pouvant engager la responsabilité du syndic.
Une faute de gestion qui pénalise la copropriété
Le syndic, qu’il soit professionnel ou bénévole, a pour mission d’exécuter les décisions prises en assemblée générale par les copropriétaires. Lorsqu’il ne respecte pas cette obligation, il commet une faute de gestion. Cette faute se traduit concrètement par des travaux votés mais jamais réalisés, des prestataires à remplacer qui restent en place, ou encore par le non-recours en justice décidé collectivement contre un tiers.
💡 Exemple : une copropriété vote à la majorité la réalisation de travaux de ravalement de façade. Deux ans plus tard, les travaux n’ont toujours pas été engagés. Aucune entreprise n’a été contactée, aucun devis présenté, aucun permis de construire demandé. Le bâtiment continue à se dégrader, exposant les copropriétaires à des risques d’infiltration, d’amendes municipales, voire à une perte de valeur immobilière.
Ce que dit la loi : une obligation formelle du syndic
Le cadre légal est clair. Le syndic est tenu d’exécuter les décisions prises en assemblée générale. Cette obligation est prévue par l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, fondement du droit de la copropriété en France. Cet article précise que :
« Le syndic est chargé d’assurer l’exécution des dispositions du règlement de copropriété et des décisions de l’assemblée générale. »
Il s’agit donc d’une obligation légale, et non d’une simple mission contractuelle. La non-exécution n’est pas seulement une erreur : elle constitue un manquement aux obligations légales, pouvant être sanctionné.
Quelles conséquences pour le syndic ?
Si le syndic refuse, néglige ou tarde de façon abusive à mettre en œuvre une décision d’assemblée générale, il engage sa responsabilité civile, voire professionnelle s’il s’agit d’un syndic inscrit. Cette faute peut entraîner :
- Sa révocation anticipée par une assemblée générale,
- Une action en responsabilité pour réparation du préjudice subi par la copropriété,
- Une sanction disciplinaire en cas de syndic professionnel (via sa chambre ou autorité de tutelle),
- Une impossibilité de renouvellement de mandat.
En cas de dommages concrets causés à la copropriété (par exemple, dégradation d’un immeuble, pertes financières, mise en danger), le syndic peut être condamné à indemniser les copropriétaires ou le syndicat des copropriétaires.
Quels recours pour les copropriétaires ?
Face à un syndic inactif ou fautif, les copropriétaires ne sont pas impuissants. Plusieurs recours juridiques et pratiques existent :
- Mise en demeure : première étape incontournable pour exiger l’exécution d’une décision.
- Inscription d’un point à l’ordre du jour de la prochaine AG pour sanctionner le syndic ou changer de professionnel.
- Action en justice (article 1992 du Code civil pour les mandataires) pour engager la responsabilité du syndic.
- Demande de référé devant le tribunal judiciaire, pour faire ordonner l’exécution forcée d’une décision.
- Demande de révocation pour faute grave, avec vote à la majorité absolue en AG (article 25 de la loi de 1965).
🔎 À noter : même un copropriétaire isolé peut intenter une action au nom du syndicat si le dommage est collectif et s’il justifie d’un préjudice.
Procédure à suivre pas à pas
Voici la démarche à adopter si vous êtes confronté à la non-exécution d’une décision votée en AG :
- Vérifiez que la décision est bien consignée dans le procès-verbal de l’AG et qu’elle a été votée avec la majorité requise.
- Contactez le syndic par écrit (courrier simple ou mail) pour demander un point d’étape.
- Envoyez une mise en demeure en LRAR, lui rappelant ses obligations et fixant un délai raisonnable pour agir.
- Inscrivez une résolution à l’ordre du jour de la prochaine AG (ex : résiliation du mandat, désignation d’un nouveau syndic, action judiciaire).
- Saisissez le juge en référé si le syndic continue à faire obstacle à l’exécution d’une décision urgente ou essentielle.
- Constituez un collectif de copropriétaires, souvent plus efficace pour peser face au syndic.
📢 Conseil : gardez une trace écrite de tous vos échanges avec le syndic, cela vous sera précieux en cas de litige.
Modèle de lettre : mise en demeure du syndic
Voici un exemple de courrier que vous pouvez adapter à votre situation :
[Nom et adresse de l’expéditeur]
[Nom du syndic]
[Adresse du syndic]
Lettre recommandée avec accusé de réception
Objet : Mise en demeure d’exécution de décision votée en assemblée générale
Madame, Monsieur,
Lors de l’assemblée générale des copropriétaires du [date], il a été voté, à la majorité requise, la décision suivante : [résumé de la décision – ex : ravalement de façade, changement de prestataire, lancement d’une action judiciaire, etc.].
À ce jour, soit [durée] après le vote, cette décision n’a toujours pas été exécutée. Ce manquement est contraire à vos obligations définies à l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, qui vous impose d’exécuter les décisions de l’assemblée générale.
Par la présente, je vous mets en demeure de procéder à la mise en œuvre de cette décision dans un délai de [15 jours, 1 mois], faute de quoi je me verrai contraint(e) d’engager les recours nécessaires pour faire respecter les droits du syndicat des copropriétaires.
Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.
[Signature]
En conclusion : vigilance et mobilisation des copropriétaires
La non-exécution des décisions de l’assemblée générale n’est pas un simple oubli : c’est une faute grave susceptible de nuire à la bonne gestion de la copropriété. Les copropriétaires doivent rester vigilants, suivre la mise en œuvre des résolutions votées et agir rapidement en cas de blocage. La loi leur offre des outils concrets pour contraindre le syndic à respecter ses obligations, voire pour le remplacer s’il persiste dans sa carence.
🤝 Une copropriété bien gérée, c’est avant tout un syndic réactif, transparent et fidèle à la volonté des copropriétaires.