Refus abusif ou retard dans la délivrance des documents lors de la vente d'un lot : une faute fréquente du syndic

Retrait de documents de vente : recours contre syndic

Le refus abusif ou retard dans la délivrance des documents lors de la vente d’un lot est une problématique récurrente dans les copropriétés françaises. Cette faute, souvent ignorée ou minimisée, a pourtant des conséquences juridiques et financières majeures pour les copropriétaires vendeurs. Le rôle du syndic dans ce cadre est strictement encadré par la loi, et tout manquement peut engager sa responsabilité civile et contractuelle. ✍️


Quand un syndic fait obstruction à la vente

Vendre un appartement en copropriété implique de fournir à l’acheteur un certain nombre de documents obligatoires. Parmi ceux-ci, deux pièces majeures se détachent : le pré-état daté et l’état daté. Ces documents garantissent à l’acquéreur une information claire sur la situation financière du lot et de la copropriété.

Le pré-état daté est une obligation d’information précontractuelle, transmise avant la signature du compromis. Il contient des données sur les charges, les éventuels travaux votés, le règlement de copropriété, etc. L’état daté, quant à lui, est remis avant la signature de l’acte authentique chez le notaire et précise les dettes du copropriétaire vendeur vis-à-vis du syndicat.

Lorsque le syndic retarde la transmission de ces documents ou, pire, refuse de les délivrer sans motif valable, il freine la procédure de vente et porte atteinte au droit de disposer librement de son bien. 🛑


Exemple concret de blocage administratif

Prenons le cas de Mme Durand, copropriétaire dans une résidence parisienne. En janvier, elle trouve un acquéreur pour son appartement. Son notaire demande rapidement l’état daté au syndic, une société professionnelle basée à Vincennes. Trois semaines passent sans réponse. Les appels restent sans suite, les mails sont ignorés.

Résultat ? La signature de l’acte authentique est reportée à deux reprises. L’acheteur s’impatiente, menace de se désengager. Finalement, l’état daté est transmis avec un mois et demi de retard… et accompagné de frais facturés bien au-delà des plafonds légaux.

Cette situation, bien plus fréquente qu’on ne le pense, met en lumière une faute caractérisée du syndic. Mme Durand aurait pu, à juste titre, engager une action à son encontre pour préjudice subi.


Un encadrement juridique très clair

Le syndic est légalement tenu de transmettre ces documents dans un délai raisonnable. Voici les textes applicables :

  • Pré-état daté : obligation issue de l’article L721-2 du Code de la construction et de l’habitation (CCH). Même si sa transmission n’est pas exclusivement réservée au syndic (elle peut être faite par le vendeur avec les documents en sa possession), le syndic reste souvent sollicité pour fournir les informations financières exactes.
  • État daté : prévu à l’article 5 du décret n°67-223 du 17 mars 1967. Il doit être établi par le syndic à la demande du notaire, et ce dans un délai raisonnable, généralement de 10 à 15 jours.

Depuis la loi ALUR, les honoraires liés à l’état daté sont plafonnés à 380 € TTC (décret n°2020-153 du 21 février 2020). Toute facturation supérieure ou conditionnant la délivrance du document à un paiement immédiat est illégale.


Quelles sont les conséquences pour le syndic fautif ?

Le refus abusif ou le retard injustifié dans la remise de ces documents peut entraîner :

  • Une mise en cause de la responsabilité civile du syndic ;
  • Un préjudice indemnisable pour le vendeur (perte de l’acheteur, baisse du prix, frais bancaires supplémentaires, etc.) ;
  • Une dénonciation auprès de la DGCCRF pour pratiques commerciales abusives ;
  • Une sanction disciplinaire en cas de syndic professionnel inscrit à une chambre ou à la FNAIM.

Le syndic agit dans le cadre d’un mandat de gestion confié par l’assemblée générale. En cas de faute manifeste, ce mandat peut ne pas être renouvelé, voire être résilié de manière anticipée s’il y a carence grave. ⚖️


Quels recours pour les copropriétaires vendeurs ?

Le copropriétaire peut dans un premier temps opter pour un recours amiable :

  1. Envoyer un courrier recommandé avec accusé de réception au syndic, exigeant la remise des documents sous 8 jours ;
  2. Faire intervenir le notaire qui peut rappeler au syndic ses obligations légales ;
  3. Informer le conseil syndical de la carence du syndic.

Si aucune réaction n’intervient, le vendeur peut :

  • Saisir le juge des contentieux de la protection (JCP) en référé pour contraindre le syndic à transmettre les documents ;
  • Engager une action en responsabilité civile pour obtenir réparation du préjudice subi ;
  • Signaler le comportement du syndic à la chambre professionnelle dont il dépend.

La procédure à suivre étape par étape

  1. Constater l’absence ou le retard de remise des documents (plus de 15 jours après la demande).
  2. Envoyer une lettre de relance par e-mail puis par lettre recommandée.
  3. Demander au notaire de relancer formellement le syndic.
  4. Adresser une mise en demeure par courrier recommandé avec un délai précis.
  5. Saisir le juge ou alerter les institutions compétentes si aucun document n’est transmis.

Modèle de lettre de mise en demeure

Objet : Mise en demeure de délivrance de l’état daté / pré-état daté

Madame, Monsieur,

En ma qualité de copropriétaire du lot n°[X] situé dans l’immeuble [adresse], et dans le cadre de la vente de mon bien, je vous ai sollicité à plusieurs reprises pour la transmission de l’état daté / pré-état daté, conformément aux dispositions du Code de la construction et de l’habitation.

À ce jour, et malgré plusieurs relances (dont celles de mon notaire), vous ne m’avez toujours pas transmis lesdits documents, ce qui porte gravement préjudice à la bonne conclusion de la vente.

Je vous mets donc formellement en demeure de me transmettre les documents requis sous un délai de 8 jours à compter de la réception de la présente, faute de quoi je me verrai contraint(e) d’engager les démarches judiciaires nécessaires pour obtenir réparation du préjudice subi.

Dans cette attente,

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

[Nom – Coordonnées – Signature]


Conclusion : vigilants face aux abus

Le refus abusif ou retard dans la délivrance des documents lors de la vente d’un lot constitue une entrave inacceptable au droit de vendre librement son bien. Les copropriétaires doivent être pleinement informés de leurs droits et ne pas hésiter à agir fermement face à un syndic défaillant.

Une copropriété saine repose sur la transparence et la rigueur dans la gestion administrative. Et face à des comportements abusifs, la loi offre aux copropriétaires des leviers concrets pour se défendre et faire valoir leurs droits.

Publications similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *