Location Airbnb interdite en copropriété ?

L'interdiction d'Airbnb en copropriété : ce que dit la loi

La location de courte durée, popularisée par des plateformes comme Airbnb, est devenue une pratique courante pour de nombreux propriétaires. Elle offre une source de revenus complémentaire bienvenue, mais génère aussi des frictions et des conflits au sein des immeubles résidentiels. Le syndicat des copropriétaires, garant de la tranquillité et de la bonne tenue de la résidence, se retrouve souvent au cœur de ces litiges. Entre le droit de jouissance de l’un et le respect de la destination de l’immeuble pour tous, la frontière est ténue.

En tant que journaliste spécialisé dans la copropriété, j’ai mené une analyse approfondie pour vous éclairer sur la réglementation de la location saisonnière en copropriété. Nous allons explorer les fondements juridiques, décrypter les récentes évolutions législatives, et comprendre comment la jurisprudence forge les décisions de justice. Que permet réellement la loi ? Le règlement de copropriété peut-il restreindre cette activité lucrative ? Et quels changements la loi Le Meur, entrée en vigueur en 2025, apporte-t-elle ? Voici un tour d’horizon juridique complet.


Pourquoi interdire Airbnb en copropriété ?

Les copropriétés qui choisissent d’interdire les locations de type Airbnb avancent plusieurs arguments :

  • Nuisances sonores et dégradations : les allées et venues fréquentes des locataires de courte durée peuvent troubler la tranquillité des résidents permanents.
  • Sécurité et accès aux parties communes : la présence régulière d’inconnus peut poser des problèmes de sécurité et de gestion des accès.
  • Augmentation des charges : une utilisation plus intensive des parties communes (ascenseur, hall d’entrée, parking) entraîne des coûts supplémentaires pour l’entretien.
  • Modification de la destination de l’immeuble : certaines copropriétés craignent une transformation progressive des logements en résidences hôtelières, au détriment du cadre de vie des habitants.

Le règlement de copropriété peut-il interdire la location saisonnière type Airbnb ?

Le règlement de copropriété constitue le socle juridique de la vie collective dans un immeuble. Il définit la destination de l’immeuble (habitation, mixte, professionnelle) ainsi que les usages autorisés dans les parties privatives et communes. Tant que le règlement n’interdit pas explicitement la location meublée de courte durée, un copropriétaire peut louer son logement… à condition de respecter la tranquillité des lieux.

➡️ Cependant, la location saisonnière Airbnb peut contrevenir à la destination de l’immeuble si elle est jugée trop intrusive ou assimilable à une activité commerciale.

🔍 Or, la notion de « destination de l’immeuble » reste floue : elle n’est définie ni par la loi, ni de manière uniforme par la jurisprudence. Cela laisse place à une appréciation au cas par cas.


Le fondement juridique : le règlement de copropriété

Le point de départ de toute discussion sur la location saisonnière en copropriété est le règlement de copropriété. Ce document, qui fait office de constitution pour l’immeuble, définit les droits et obligations de chaque copropriétaire. Selon l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, il fixe la « destination de l’immeuble », un concept juridique clé qui détermine l’usage autorisé des lots.

La présence d’une clause d’habitation bourgeoise dans ce règlement est un élément déterminant. Mais attention, elle se décline en deux versions aux conséquences très différentes :

  • La clause d’habitation bourgeoise exclusive : Elle est la plus stricte. En général, elle interdit toute activité professionnelle ou commerciale, y compris la location meublée de tourisme. Un propriétaire qui s’y risquerait s’expose à une action en justice de la part du syndicat des copropriétaires.
  • La clause d’habitation bourgeoise simple : Plus souple, elle autorise les professions libérales et peut tolérer la location saisonnière, à condition que cette activité ne soit pas considérée comme une activité commerciale déguisée et ne cause pas de troubles de voisinage excessifs.

En clair, le contenu précis du règlement de copropriété et la formulation de la clause sont déterminants. Un simple mot peut tout changer ! La complexité réside dans la qualification juridique de l’activité. Un propriétaire qui loue son appartement meublé pour une courte durée exerce-t-il une activité civile (la simple mise à disposition d’un logement) ou commerciale (avec des services annexes) ? La réponse à cette question est cruciale.


L’évolution de la jurisprudence : de l’activité civile à la qualification commerciale

Historiquement, la jurisprudence a longtemps considéré la location meublée comme une activité de nature civile. Mais avec l’explosion des plateformes de réservation en ligne, la donne a changé. Les juges ont progressivement pris en compte la nature répétitive et professionnelle de certaines locations pour les requalifier en activité commerciale.

Un arrêt de la Cour de cassation datant du 27 février 2020 a marqué un tournant. Il a confirmé que la location saisonnière en copropriété peut être jugée commerciale, surtout si elle s’accompagne de services para-hôteliers. On parle de services para-hôteliers lorsque le propriétaire fournit régulièrement des prestations qui vont au-delà de la simple mise à disposition du logement : 🛎️ la fourniture de linge, le ménage, l’accueil des voyageurs ou la mise à disposition de petits-déjeuners.

Cependant, comme le montre le récent arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 20 mars 2025, chaque cas est un cas d’espèce. La Cour a donné raison à un propriétaire dont l’activité de location n’incluait pas de services hôteliers significatifs. Elle a ainsi rappelé que la qualification commerciale ne peut être automatique. C’est au syndicat des copropriétaires de prouver, de manière factuelle et rigoureuse, que l’activité est bien de nature commerciale et qu’elle va à l’encontre du règlement de copropriété.

Ce cas précis souligne l’importance des preuves concrètes. Des témoignages de voisins qui ne sont pas « suffisamment circonstanciés » ou qui ne prouvent pas un « trouble manifestement illicite » ne suffisent pas toujours à faire pencher la balance. Cet arrêt est un signal fort pour les syndics : avant d’engager des poursuites, une analyse approfondie du règlement de copropriété et des faits est indispensable.

Toutefois, la jurisprudence n’est pas unanime. Certains juges continuent de reconnaître le caractère civil de la location meublée lorsqu’il s’agit d’un usage occasionnel, notamment lorsque le bien constitue la résidence principale du propriétaire (limité à 120 jours/an).


La Loi « Le Meur » : un tournant pour la location saisonnière en copropriété

Le cadre législatif ne cesse d’évoluer pour s’adapter aux nouveaux enjeux. La loi « Le Meur », entrée en vigueur le 1er janvier 2025, apporte une modification majeure à la législation sur la copropriété. Son objectif est de donner plus de pouvoir aux copropriétés pour réguler la location de meublés touristiques.

Cette loi a abaissé la majorité requise en assemblée générale pour interdire la location saisonnière en copropriété (lorsqu’il ne s’agit pas d’une résidence principale). Auparavant, l’unanimité était souvent nécessaire pour modifier la destination de l’immeuble. Désormais, une majorité des deux tiers des voix est suffisante, à condition que le règlement de copropriété existant interdise déjà les activités commerciales. Cette mesure, bien que non absolue, facilite considérablement la prise de décision pour les copropriétaires qui souhaitent encadrer ou faire cesser ce type de location.

De plus, cette loi renforce l’obligation d’information pour les propriétaires. Ceux qui se lancent dans l’activité de location touristique ont désormais le devoir d’informer leur syndic, une mesure qui vise à améliorer la transparence au sein des résidences.


La clause d’habitation bourgeoise : rempart contre Airbnb ?

Une clause d’habitation bourgeoise est souvent présente dans les règlements de copropriété, notamment dans les immeubles anciens. Elle peut interdire explicitement certaines activités, en particulier commerciales. Il existe deux variantes :

  • Clause d’habitation bourgeoise exclusive : l’immeuble est exclusivement destiné à l’habitation. Sont donc prohibées toutes formes de location meublée touristique, jugées commerciales.
  • Clause d’habitation bourgeoise simple : plus souple, elle tolère les activités libérales et parfois la location saisonnière si aucune nuisance n’est avérée.

👀 En clair, le contenu précis du règlement de copropriété et la formulation de la clause sont déterminants. Un simple mot peut tout changer !


Jurisprudence : Airbnb, une activité commerciale ou civile ?

Le droit français a longtemps considéré la location meublée touristique comme une activité de nature civile. Mais la donne a changé avec la montée en puissance d’Airbnb et des contentieux liés à cette pratique.

👉 Depuis 2014, avec la loi Alur, la location répétée d’un logement meublé pour de courtes durées à des personnes de passage constitue un changement d’usage, pouvant nécessiter une autorisation municipale.

La Cour de cassation, par un arrêt du 27 février 2020, a tranché : la location meublée touristique est une activité commerciale si elle est exercée de manière habituelle et organisée, notamment lorsqu’elle s’accompagne de services para-hôteliers (ménage, linge, accueil, etc.).

📌 Toutefois, la jurisprudence n’est pas unanime. Certains juges continuent de reconnaître le caractère civil de la location meublée lorsqu’il s’agit d’un usage occasionnel, notamment lorsque le bien constitue la résidence principale du propriétaire (limité à 120 jours/an).


Les démarches pour interdire Airbnb en copropriété

Pour mettre en place une interdiction de la location touristique de courte durée, une copropriété doit suivre plusieurs étapes :

  1. Inscrire la question à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires.
  2. Voter la modification du règlement de copropriété avec la majorité requise (article 26 de la loi de 1965).
  3. Déposer la modification au bureau des hypothèques, afin de la rendre opposable aux nouveaux acquéreurs et aux locataires.
  4. Faire respecter la nouvelle règle en cas de non-conformité, en adressant des mises en demeure aux contrevenants et en saisissant la justice si nécessaire.

⚠️ Cette règle ne s’applique que si le règlement initial exclut les activités commerciales. Sinon, l’unanimité des copropriétaires reste requise.

Les démarches pour interdire Airbnb en copropriété

Airbnb et copropriété : concilier intérêts privés et respect collectif

La location Airbnb reste un levier économique puissant pour les petits propriétaires, notamment en zones touristiques. Mais en copropriété, cette activité doit être exercée dans le respect des règles communes.

🏘️ L’avenir semble s’orienter vers un encadrement accru, à la fois par la loi, la jurisprudence et les initiatives locales (comme à Paris, Nice ou Lyon, qui imposent un changement d’usage pour toute location meublée touristique).

🧭 Pour les copropriétés, la mise à jour du règlement, la clarification des clauses et l’information des copropriétaires sont les outils-clés pour mieux gérer cette pratique.


Quelles alternatives à l’interdiction ?

Certaines copropriétés choisissent de ne pas interdire totalement les locations de courte durée mais préfèrent les encadrer. Parmi les solutions envisageables :

  • L’instauration d’une charte de bonne conduite pour les loueurs et leurs locataires.
  • La mise en place d’un système de déclaration préalable afin de contrôler la fréquence des locations.
  • L’ajout de restrictions horaires pour les arrivées et départs afin de limiter les nuisances.

Conclusion

La location Airbnb en copropriété n’est pas un droit absolu. Elle dépend du règlement de copropriété, de la jurisprudence actuelle, et désormais, des nouvelles dispositions de la loi Le Meur. Avant de vous lancer ou de contester ce type d’activité dans votre immeuble, il est essentiel de bien connaître vos droits… et ceux de vos voisins.

➡️ Vous êtes propriétaire et souhaitez louer votre bien en toute légalité ? Ou au contraire, vous êtes copropriétaire dérangé par ces locations ? Prenez le temps de consulter votre règlement, discutez en AG, et si besoin, faites-vous accompagner par un professionnel du droit.

🔎 Car en copropriété, vivre ensemble, c’est aussi réglementer ensemble !


FAQ – Interdiction location Airbnb copropriété

Est-ce que mon syndic peut interdire seul la location Airbnb ?

Non. Seule l’assemblée générale peut décider d’interdire cette activité en modifiant le règlement de copropriété, selon une majorité qualifiée.

Une clause d’habitation bourgeoise suffit-elle à interdire Airbnb ?

Oui, si elle est rédigée en termes exclusifs (« usage d’habitation uniquement »). Sinon, une interprétation souple peut autoriser Airbnb, sauf en cas de nuisances.

Que risque un propriétaire en cas de location Airbnb interdite ?

Il peut faire l’objet d’une action en justice de la part du syndicat des copropriétaires, être condamné à cesser l’activité, et parfois à des dommages et intérêts.

Puis-je louer mon logement sur Airbnb s’il s’agit de ma résidence principale ?

Oui, dans la limite de 120 jours par an, sous réserve du respect du règlement de copropriété et des règles locales (déclaration, changement d’usage…).

La loi Le Meur s’applique-t-elle aux règlements anciens ?

Non, elle s’applique aux règlements établis après novembre 2024. Pour les règlements plus anciens, seule une modification votée en AG peut ajouter une interdiction.

Qu’est-ce qu’une « destination de l’immeuble » et en quoi est-elle liée à la location saisonnière ?

La « destination de l’immeuble » est un concept juridique défini dans le règlement de copropriété. Elle détermine l’usage qui peut être fait des lots privés et des parties communes. Si cette destination est « bourgeoise » (ou « exclusivement bourgeoise »), elle peut interdire les activités commerciales, et par extension, les locations meublées touristiques jugées comme telles. C’est le point de départ pour savoir si vous pouvez louer votre bien pour de courtes durées.

La location de ma résidence principale pour 90 jours par an est-elle concernée par ces réglementations ?

Oui, mais de manière plus souple. La loi « Le Meur » et les juges distinguent la location occasionnelle d’une résidence principale (limitée à 120 jours par an dans les zones tendues) de la location professionnelle d’une résidence secondaire. La plupart du temps, la location occasionnelle d’une résidence principale est tolérée si elle ne génère pas de troubles manifestes. Toutefois, le syndicat des copropriétaires peut toujours agir s’il y a des nuisances avérées.

Comment un syndic peut-il prouver que la location est de nature commerciale ?

Le syndic doit rassembler des preuves qui démontrent que l’activité va au-delà de la simple location. Cela peut inclure des annonces sur des plateformes mentionnant des services para-hôteliers (ménage, fourniture de linge, petit-déjeuner), des témoignages précis de voisins sur un flux constant de personnes, ou le non-respect des règles locales (comme l’absence de numéro d’enregistrement). C’est la répétition et le caractère organisé de l’activité qui peuvent la faire basculer vers le commercial.

Le syndic a-t-il le droit d’interdire la location saisonnière par une simple lettre recommandée ?

Non, absolument pas. Un syndic ne peut pas interdire unilatéralement la location saisonnière en copropriété. Il doit se fonder sur le règlement de copropriété ou sur une décision votée en assemblée générale. S’il constate un non-respect du règlement, il peut mettre en demeure le propriétaire, mais l’interdiction effective ne peut être prononcée que par un tribunal, à la suite d’une procédure judiciaire.

Que se passe-t-il si un copropriétaire ignore l’interdiction de location ?

Si un propriétaire continue son activité malgré une interdiction légale (par exemple, suite à un vote en AG ou une décision de justice), le syndicat des copropriétaires peut le poursuivre en justice pour non-respect du règlement de copropriété. Le juge peut alors ordonner la cessation de l’activité, assortie d’une astreinte par jour de retard, et peut également condamner le propriétaire à verser des dommages et intérêts pour le préjudice causé aux autres résidents.

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2 commentaires

  1. Bonjour,
    Est-il nécessaire d’attendre la prochaine assemblée générale pour proposer une interdiction ? Dans notre immeuble, seuls 3 copropriétaires résident encore sur place, les 7 autres lots sont loués en courte durée.
    J’ai peur que la résolution ne soit pas adoptée.
    Faut-il plutôt consulter un avocat dès maintenant pour tenter de faire cesser ces locations ?
    Merci pour vos conseils.

    1. Oui, l’interdiction d’Airbnb doit obligatoirement être votée en assemblée générale, car seul le règlement de copropriété peut restreindre cette activité. Vous ne pouvez donc pas imposer une interdiction sans décision collective.

      En revanche, si les locations actuelles créent des nuisances (bruit, dégradations, va-et-vient permanents), le syndic ou un copropriétaire peut agir en justice sans attendre l’AG, sur le fondement du trouble anormal de voisinage ou du non-respect du règlement existant. Dans ce cas, consulter un avocat spécialisé en copropriété avant le vote est utile pour préparer le dossier et évaluer les chances de succès.

      En résumé :
      ✅ Pour interdire globalement → passage obligatoire en AG.
      ⚖️ Pour faire cesser des troubles concrets → possible avant, via une action judiciaire.

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