Nous constatons régulièrement une confusion majeure et une source d’abus financiers qui entourent la vente d’un lot : la distinction entre l’État Daté en Copropriété et le fameux « pré-état daté ». Ces deux expressions, bien que phonétiquement proches, représentent des réalités juridiques, des obligations et des coûts totalement distincts. Maîtriser cette différence n’est pas qu’une question de terminologie ; c’est un impératif pour sécuriser votre transaction immobilière et, surtout, pour éviter de payer des centaines d’euros de frais illégaux.
L’enjeu est de taille : d’un côté, un document officiel, légalement encadré, indispensable à l’acte de vente et dont le coût est plafonné par décret ; de l’autre, un assemblage d’informations, certes obligatoire, mais dont la facturation par le syndic constitue, dans l’immense majorité des cas, un abus caractérisé. Plongeons au cœur des textes pour démêler le vrai du faux et vous fournir la synthèse la plus complète sur l’État Daté en Copropriété et son pendant pré-contractuel.
I. L’Acte de Vente Sécurisé : La Distinction Fondamentale entre les Deux Documents
L’achat et la vente d’un bien en copropriété impliquent une transparence totale sur la santé financière du lot et du syndicat. C’est dans ce contexte que l’État Daté en Copropriété et les informations pré-contractuelles entrent en jeu, mais à des moments différents et avec des objectifs différents.
1. L’État Daté : Le Sceau de la Transaction
L’État Daté en Copropriété est le document financier par excellence qui scelle la vente. Il est le garant que l’acquéreur ne reprendra pas des dettes du vendeur et que les comptes entre l’ancien copropriétaire et le syndicat sont définitivement soldés.
Cadre Légal Strict et Exclusivité du Syndic
Cet acte est régi par l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, et détaillé par l’article 5 du décret d’application du 17 mars 1967. Sa nature est formelle :
- Auteur Unique : L’établissement de l’État Daté en Copropriété est une prérogative exclusive et obligatoire du syndic de copropriété, qu’il soit professionnel ou bénévole. Aucune autre partie (vendeur, notaire, agent immobilier) n’est habilitée à le rédiger.
- Temporalité : Il n’est requis qu’au moment de la signature de l’acte de vente définitif, dit acte authentique, chez le notaire. Il permet au notaire d’intégrer les informations financières exactes dans son projet d’acte et d’opérer la désolidarisation du vendeur.
- Conséquence en Cas d’Absence : L’absence de l’État Daté en Copropriété lors de la signature de l’acte authentique est considérée comme une formalité substantielle non remplie, pouvant théoriquement entraîner la nullité de la vente. C’est donc un document juridiquement contraignant. 🏛️
Contenu : Un Bilan Financier Détaillé
L’État Daté en Copropriété n’est pas un document généraliste ; il est strictement structuré pour couvrir trois domaines financiers :
- Les sommes dues par le vendeur au syndicat : Cela inclut les provisions de charges courantes ou exceptionnelles exigibles, les charges impayées des exercices antérieurs, et les avances (comme le fonds de roulement et le fonds de travaux, s’ils ne sont pas attachés au lot).
- Les sommes dont le syndicat est débiteur envers le vendeur : Principalement les avances remboursables ou les provisions de charges payées par le vendeur qui couvriraient une période postérieure à la vente.
- Les sommes incombant au nouvel acquéreur : Essentiellement les provisions de charges non encore exigibles, mais qui le deviendront après la vente.
Les informations contenues dans l’état daté
Conformément à l’article 5 du décret du 17 mars 1967, l’état daté doit contenir les éléments suivants :
- Le montant des charges de copropriété : y compris les charges récupérables et celles non récupérables.
- Les charges impayées des exercices antérieurs 💸.
- La dette fournisseurs : toutes les dettes impayées par la copropriété.
- Le montant du fonds de travaux 💰 : obligatoire selon la loi ALUR.
- Une copie du règlement de copropriété 📚 : pour comprendre les règles de vie dans la copropriété.
- L’état descriptif de division 🏠 : ce document définit les parties privatives et communes.
- Le carnet d’entretien de l’immeuble 🧰 : pour suivre l’historique des travaux effectués.
- Le Diagnostic Technique Global (DTG) 🔍 : obligatoire dans certaines situations pour évaluer l’état de l’immeuble.
- Les procès-verbaux des trois dernières assemblées générales 📋 : pour connaître les décisions prises par les copropriétaires.
De plus, l’État Daté en Copropriété doit mentionner l’état des éventuelles procédures judiciaires en cours impliquant le syndicat, une information essentielle pour l’acquéreur.
2. Le « Pré-État Daté » : L’Impératif d’Information Pré-contractuelle
À l’opposé de l’acte authentique, le « pré-état daté » concerne la phase pré-contractuelle, soit le moment de la signature de la promesse ou du compromis de vente.
Une Pure Création de la Pratique et de la Loi ALUR
Le terme « pré-état daté » n’existe pas dans la loi. Il s’agit d’un terme commode, inventé par les professionnels, pour désigner l’ensemble des documents et informations financières que le vendeur a l’obligation légale de fournir à l’acquéreur avant tout engagement ferme.
- Fondement Légal : L’obligation d’information est codifiée à l’article L.721-2 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), introduit par la loi ALUR de 2014. Son objectif est de donner à l’acquéreur une vision claire des charges et de la situation financière de la copropriété avant même de signer l’avant-contrat.
- Responsabilité du Vendeur : Contrairement à l’État Daté en Copropriété, c’est le vendeur qui a la responsabilité de réunir ce dossier d’informations. Il n’a pas besoin de l’intervention formelle du syndic.
- Temporalité Cruciale : Ces documents doivent être remis à l’acquéreur au plus tard à la date de la signature de l’avant-contrat. La non-remise retarde le point de départ du délai de rétractation de 10 jours de l’acquéreur.
Contenu de l’Obligation d’Information
Les informations requises pour ce dossier pré-contractuel sont également précises :
- Le montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget payées par le vendeur lors des deux derniers exercices comptables.
- Le montant des sommes que l’acquéreur pourrait devoir au syndicat.
- L’état global des impayés de charges dans la copropriété.
- Le montant du fonds de travaux rattaché au lot et la dernière cotisation versée (loi ELAN).
Ces documents sont, pour la plupart, accessibles par le vendeur sur l’extranet de sa copropriété.
II. Le Cœur du Litige : Coût, Plafonnement et Abus de Facturation
La question financière est la plus contentieuse et celle qui génère le plus de litiges. Elle met en lumière l’écart entre le statut officiel de l’État Daté en Copropriété et l’absence de statut légal du « pré-état daté ».
1. Le Plafond Réglementaire de l’État Daté
C’est une information essentielle que tout vendeur doit connaître pour ne pas se faire surcharger par son syndic.
- Montant Plafonné : Depuis le décret du 23 février 2020, les honoraires que le syndic peut facturer pour l’établissement de l’État Daté en Copropriété sont plafonné à 380 € TTC. Ce plafond est une limite maximale que le syndic ne peut dépasser, même si son contrat initial prévoyait un montant supérieur.
- Imputation : Les frais d’établissement de l’État Daté en Copropriété sont légalement à la charge exclusive du copropriétaire vendeur.
Si votre syndic vous facture 400 €, 500 € ou plus pour l’État Daté en Copropriété, vous êtes en droit formel de contester et d’exiger un remboursement de la différence. 💰
2. Le Zéro Euro du « Pré-État Daté » : Une Facturation Illégale
Voici le point de friction majeur. La loi est claire : le syndic ne peut pas facturer la fourniture des informations constituant le « pré-état daté ».
Absence de Facturation Légale
Le décret du 26 mars 2015 a défini une liste limitative des prestations particulières que le syndic professionnel est en droit de facturer aux copropriétaires. La fourniture des documents prévus par l’article L.721-2 du CCH (le « pré-état daté ») ne figure pas dans cette liste.
- Principe de Gratuité : La loi ALUR et la loi ELAN (avec l’obligation de l’extranet sécurisé depuis le 1er juillet 2020) ont rendu obligatoire la mise à disposition de tous les documents nécessaires au vendeur. Le vendeur est donc en mesure de constituer son dossier gratuitement et par lui-même.
- Abus de Libellés : Les syndics contournent souvent l’interdiction en utilisant des libellés ambigus dans leur facturation : « frais de dossier avant acte », « renseignement sur situation comptable », « attestation ALUR », etc. Quelle que soit la dénomination, si la prestation facturée correspond à la compilation des documents obligatoires avant la promesse de vente, elle est illégale. 🚫
Contestation et Voies de Recours pour le Vendeur
Si vous êtes un vendeur et que votre syndic vous a facturé une prestation pour le « pré-état daté », il est impératif de réagir :
- Refus de Paiement : Refusez de payer la ligne de frais correspondante dans le décompte final.
- Lettre Recommandée : Adressez un courrier recommandé avec accusé de réception au syndic, citant le décret de 2015 et la réponse ministérielle de 2015 qui confirme l’absence de base légale pour cette facturation. Exigez l’annulation des frais.
- Médiation ou Justice : En cas de refus, vous pouvez saisir le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI) ou une association de défense des consommateurs pour une médiation. En dernier recours, une action en justice est possible pour obtenir la nullité de la clause de facturation ou le remboursement des sommes indues.
III. Implication pour le Notaire et le Syndic : Rôles et Responsabilités
Chaque acteur de la vente a une responsabilité précise vis-à-vis de l’État Daté en Copropriété et des informations pré-contractuelles.
1. La Responsabilité du Syndic
Le syndic est responsable de la bonne gestion financière et de la production de l’État Daté en Copropriété dans le respect du délai et du plafond tarifaire.
- Délai de Transmission : Bien qu’aucun délai ne soit formellement imposé par la loi pour l’établissement de l’État Daté en Copropriété, la pratique et l’urgence de la transaction imposent une grande réactivité. Un syndic qui mettrait un délai excessif à le fournir pourrait engager sa responsabilité civile professionnelle s’il venait à bloquer la vente.
- Exactitude des Chiffres : Le syndic doit garantir l’exactitude des chiffres transmis. Toute erreur dans l’État Daté en Copropriété qui léserait l’acquéreur (en lui faisant reprendre une dette oubliée du vendeur, par exemple) pourrait engager la responsabilité du syndic pour faute professionnelle.
2. Le Rôle Central du Notaire
Le notaire est le garant de la sécurité juridique de la vente.
- Vérification de l’État Daté : Le notaire s’assure que l’État Daté en Copropriété a été établi conformément aux exigences du décret de 1967. Il utilise ces informations pour procéder à l’appel de fonds du syndic, garantir le paiement des sommes dues par le vendeur et, surtout, pour s’assurer que l’acquéreur ne sera pas tenu solidairement des dettes du vendeur.
- Purge du Délai de Rétractation : Concernant les informations pré-contractuelles (le « pré-état daté »), c’est le notaire (ou le professionnel qui reçoit l’avant-contrat) qui s’assure que l’intégralité du dossier ALUR a bien été remis à l’acquéreur. C’est la date de cette remise complète qui marque le début du délai de rétractation légal de 10 jours. L’absence d’un seul document, même mineur, retarde ce délai. ⏳
3. Cas Particulier du Syndic Bénévole
Le syndic bénévole, bien que non-professionnel, est soumis aux mêmes obligations légales concernant l’établissement de l’État Daté en Copropriété et la mise à disposition des documents.
- Plafond et Indemnité : Théoriquement, le plafond de 380 € ne s’applique qu’aux syndics professionnels, mais il sert de référence. Un syndic bénévole peut se faire rembourser ses frais réels et, s’il est autorisé par l’assemblée générale, percevoir une indemnité forfaitaire pour la charge administrative. Cette somme doit impérativement transiter par le compte bancaire du syndicat.
IV. Synthèse et Conseils Pratiques pour le Vendeur et l’Acquéreur
Pour naviguer sereinement dans la vente ou l’achat d’un bien en copropriété, retenez ces points clés :
| Caractéristique | Pré-État Daté (Informations Loi ALUR) | État Daté en Copropriété (Loi 1965) |
| Existence Légale | Non (terme pratique). Obligation d’information légale. | Oui. Document formel, obligatoire. |
| Moment Clé | Avant la signature de la Promesse de Vente. | Avant la signature de l’Acte Authentique. |
| Auteur/Responsable | Le Vendeur (réunit les documents). | Le Syndic (l’établit exclusivement). |
| Coût Légal | 0 € (facturation illégale). | Plafonné à 380 € TTC. |
| Conséquence en Cas d’Absence | Retarde le délai de rétractation de l’acquéreur. | Blocage ou nullité de la vente. |
Conseils Pratiques
- Vendeur, Anticipez et Réunissez Vous-Même : Ne demandez pas « le pré-état daté » au syndic. Connectez-vous à l’extranet et téléchargez les documents (les deux derniers PV d’AG, le carnet d’entretien, les appels de fonds, le montant des charges sur 2 ans). Vous constituez ainsi gratuitement votre dossier ALUR.
- Acquéreur, Exigez la Transparence : Assurez-vous d’avoir reçu l’intégralité du dossier ALUR avant de signer l’avant-contrat. Concentrez-vous sur les impayés globaux de la copropriété pour évaluer la santé financière du syndicat.
- Contestez les Abus : Si vous êtes facturé pour le « pré-état daté », envoyez immédiatement une mise en demeure au syndic. Si le syndic facture l’État Daté en Copropriété au-delà de 380 €, demandez le remboursement de la différence.
V. FAQ sur l’État Daté
Pour renforcer le référencement et la clarté de cet article, voici les réponses aux questions les plus fréquentes concernant l’État Daté en Copropriété et les frais de cession.
Qui Paie les Frais d’État Daté en Copropriété ?
Conformément à l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, les frais d’établissement de l’État Daté en Copropriété sont exclusivement à la charge du copropriétaire vendeur. Cette disposition est d’ordre public, ce qui signifie qu’aucune clause dans un compromis de vente ne peut valablement les transférer à l’acquéreur.
Le Syndic Peut-il Facturer le « Pré-État Daté » ?
Non, la facturation du « pré-état daté » (c’est-à-dire la compilation des informations obligatoires selon la loi ALUR pour l’avant-contrat) est illégale. Cette prestation ne figure pas dans la liste limitative des honoraires facturables par le syndic définie par le décret du 26 mars 2015. Le vendeur peut et doit pouvoir réunir ces documents gratuitement grâce à l’extranet.
Quel est le Plafond Légal pour l’État Daté en Copropriété ?
Le coût de l’établissement de l’État Daté en Copropriété est plafonné à 380 € TTC depuis le décret du 23 février 2020. Tout montant facturé au-delà de ce plafond est abusif et doit être contesté par le vendeur.
Quel est le Risque si je ne Fournis pas l’État Daté à l’Acquéreur ?
L’État Daté en Copropriété n’est pas fourni à l’acquéreur directement, mais au notaire. Si le notaire ne peut pas intégrer les informations de l’État Daté en Copropriété dans l’acte authentique, la vente ne peut pas être finalisée. Son absence est un motif de nullité de la vente, car elle empêche le notaire de purger les comptes et de sécuriser la transaction pour toutes les parties.
L’État Daté inclut-il le Fonds de Travaux ALUR ?
Oui, l’État Daté en Copropriété doit faire mention du Fonds de Travaux ALUR. Il doit notamment indiquer si le solde du fonds de travaux rattaché au lot est remboursable au vendeur ou s’il est attaché définitivement au lot et transmis à l’acquéreur (dans ce cas, l’acquéreur le rembourse généralement au vendeur via le notaire, sauf clause contraire). L’information est cruciale pour le calcul du montant exact des fonds à solder.
Conclusion : Vendre en Copropriété, C’est Connaître la Règle du Jeu
La vente d’un bien en copropriété est un processus rigoureux qui repose sur la transparence et le respect de la législation. L’État Daté en Copropriété, avec son formalisme et son coût plafonné, est la clé de voûte de l’acte authentique. Le « pré-état daté », bien qu’informel, est la brique essentielle qui permet à l’acquéreur d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause.
En tant que vendeur, votre meilleure défense contre les abus de facturation est la connaissance. Réunissez vous-même votre dossier ALUR gratuitement. En tant qu’acquéreur, exigez la clarté financière dès l’avant-contrat.
Ne laissez pas la confusion entre ces deux termes vous coûter inutilement plusieurs centaines d’euros. L’information est la première des protections.
